Expertise

subs. fém.

Opération confiée à des personnes compétentes dans le but de faire, en vue de la solution d'une contestation, des vérifications exigeant des connaissances techniques, et de constater dans un rapport écrit le résultat de leur examen et leur avis.

Législ. L'expertise est amiable ou judiciaire : L'expertise amiable est réglée par les conventions des parties ; l'expertise judiciaire est une mesure d'instruction ordonnée par un tribunal ; les formes en sont déterminées par la loi.

L'expertise est obligatoire ou facultative. L'expertise obligatoire est celle que le juge ne peut se dispenser d'ordonner quand elle est demandée par les parties ou l'une d'elles ; l'expertise facultative est celle que le juge a la faculté de refuser suivant qu'il estime qu'elle est utile ou superflue pour la solution du litige ; à moins d'une disposition formelle et impérative, I'expertise est facultative ; destinée à éclairer le juge, celui-ci est libre de la prescrire ou de ne pas la prescrire.

L'expertise judiciaire est une mesure d'instruction à laquelle toute juridiction civile, commerciale ou administrative peut avoir recours ; les formalités auxquelles est soumise I'expertise ne sont pas les mêmes devant toutes les juridictions ; elles présentent des différences qu'il y aura lieu de signaler en examinant ces formalités devant chaque juridiction.

Expertise devant les tribunaux civils. ? C'est par un jugement dit d'avant faire droit que I'expertise est ordonnée soit d'office, soit sur la demande des parties ; ce jugement énonce l'objet de l'expertise, précise la mission des experts, désigne le juge commissaire devant lequel les experts prêteront serment et nomme le ou les experts qui devront, à défaut d'entente des parties, procéder aux opérations.

L'expertise ne peut se faire que par trois experts (art. 303 C. proc. civ.). A cette règle générale il est fait deux exceptions : 1° les parties peuvent convenir qu'il sera procédé aux opérations de l'expertise par un seul expert ; ce consentement doit émaner de toutes les parties ; il peut être exprès ou tacite ; 2° quand l'expertise est ordonnée d'office, c'est-à-dire sans qu'elle ait été demandée par les parties, le tribunal peut prescrire qu'elle sera confiée à un seul expert.

Les experts sont choisis par les parties qui doivent s'entendre pour cette nomination. Si cette entente est produite avant le jugement ordonnant l'expertise, ce jugement donne acte de la nomination ; si cette entente n'a pas encore eu lieu à cette date, les parties sont tenues de faire choix des experts dans les trois jours de la signification du jugement; elles doivent faire connaître leur accord au greffe du tribunal. Si elles ne se sont pas entendues, il est procédé à I'expertise par les experts que le tribunal avait commis d'office.

Les experts ne forment plus aujourd'hui de corporation ; les tribunaux sont, il est vrai, dans l'usage d'établir une liste des experts auxquels ils contient ordinairement les expertises ; mais l'inscription sur cette liste ne donne aucun droit exclusif et les tribunaux et les parties intéressées peuvent faire porter leur choix sur toute personne qu'ils jugent capable d'en remplir les fonctions ; une femme peut être nommée expert ; aucune disposition ne s'y oppose. Toutefois certaines personnes n'en peuvent remplir les fonctions, par exemple : les individus condamnés à une peine afflictive ou infamante, et ceux qui ont été privés de ce droit par les tribunaux correctionnels.

Les experts peuvent être récusés par les motifs pour lesquels les témoins peuvent être reprochés. L'art. 283 C. proc. civ. en donne l'énumération non limitative ; ce sont les parents ou alliés de l'une des parties, l'héritier ou le donataire, la personne qui a bu ou mangé avec l'une des parties et à ses frais, ou qui a donné des certificats sur le procès, les serviteurs, les domestiques, etc.

Les experts nommés d'office peuvent être récusés pour une cause antérieure ou postérieure à leur nomination; les experts nommés par les parties ne peuvent être récusés que pour une cause survenue après leur nomination. Dans le premier cas, la demande en récusation doit être formulée dans les trois jours qui suivent la nomination ; dans le second, jusqu'à la prestation de serment ; passé ces délais, elle n'est plus recevable. La récusation est proposée par un simple acte signé de la partie ou de son mandataire spécial, contenant les causes de récusation et les preuves, si elle en a, ou l'offre de les vérifier par témoins. Si la récusation est admise, l'expert récusé est remplacé d'office par le tribunal ou par les parties ; si elle est rejetée, la partie qui l'a requise peut être condamnée à des dommages-intérêts envers l'autre partie et envers l'expert récusé ; mais en ce cas, celui-ci ne pourrait procéder à l'expertise ; il y aurait lieu de pourvoir à son remplacement.

Les experts ne sont pas tenus d'accepter la mission qui leur est confiée ; ils peuvent la refuser sans avoir à donner les motifs de leur refus ; mais une fois qu'ils l'ont acceptée et qu'ils ont prêté serment ils ne peuvent plus se refuser à procéder aux opérations de l'expertise à moins qu'ils n'aient une excuse légitime : ils s'exposeraient à être condamnés à payer tous les frais frustratoires et même à des dommages intérêts.

Avant de procéder à leurs opérations, les experts doivent prêter serment ; cette prestation de serment a lieu, sur la poursuite de la partie la plus diligente, devant le magistrat commis à cet effet et à la date fixée par lui ; il n'est pas nécessaire que les parties y soient présentes (art. 307 C. proc. civ.).

Les parties peuvent dispenser les experts du serment.

Le procès-verbal de prestation de serment contient l'indication par les experts des lieu, jour et heure de leurs opérations ; en cas de présence des parties ou de leurs avoués, cette indication vaut sommation d'avoir à assister aux opérations de I'expertise : en cas d'absence de l'une des parties et de son avoué, ou si les experts sont dispensés de serinent, l'avoué de la partie poursuivante fait sommation aux autres parties de se trouver aux lieu, jour et heure indiqués ; entre cette sommation et le jour fixé par les experts, il est convenable de laisser un délai de trois jours.

Les opérations de I'expertise ne peuvent se faire qu'en présence des parties ou elles dûment appelées ; les parties ont le droit de fournir toutes les explications à l'appui de leurs prétentions, de faire tels dires ou telles réquisitions qu'elles jugent utiles ; les experts doivent en faire mention dans leur procès-verbal, mais ils ne sont pas obligés d'en tenir compte.

Le procès-verbal ou rapport contient deux parties : la première dans laquelle sont relatées toutes les phases de I'expertise, et la seconde qui contient l'avis des experts. Cet avis se forme à la pluralité des voix ; mais le rapport doit indiquer les différents avis et les motifs à l'appui, mais sans faire connaître l'avis personnel de chacun des experts.

Le rapport est rédigé sur le lieu contentieux ou dans le lieu et au jour et heures indiquées par les experts (art. 317 C. proc. civ.). Les parties ne peuvent assister qu'à la rédaction de la première partie du rapport ; la seconde qui contient l'avis des experts doit être rédigée secrètement.

Le rapport est écrit sur timbre par l'un des experts et signé par tous ; s'ils ne savent pas tous écrire, la rédaction est écrite et signée par le greffier de la justice de paix du lieu où ils, auront procédé (art. 317 C. proc. civ.). Si l'un des experts refuse de signer, il en est fait mention au procès-verbal ; l'expertise est valable pourvu que cet expert ait assisté à toutes les opérations et donné son avis.

La minute du rapport est déposée au greffe du tribunal qui a ordonné I'expertise. En cas de retard ou de refus de la part des experts de déposer leur rapport, ils peuvent être assignés à trois jours par-devant le tribunal qui les a commis et sans préliminaire de conciliation pour se voir condamner à faire ledit dépôt; il doit être statué sommairement et sans instruction (art. 321 C. proc. civ.).

Le rapport est enregistré ; il doit être levé et signifié à avoué par la partie la plus diligente et l'audience est poursuivie sur un simple acte Le tribuual est alors saisi de l'examen du rapport des experts. Plusieurs hypothèses peuvent se présenter : L'expertise est infectée d'une nullité substantielle qui doit la faire annuler ; le rapport est incomplet, il ne contient pas des éclaircissements nécessaires pour permettre au tribunal de prononcer sur le litige; dans l'un et l'autre cas, il y a lieu de recourir à une nouvelle expertise ou à une expertise complémentaire. Que cette nouvelle expertise soit prescrite d'office ou sur la demande des parties, le tribunal peut ne nommer qu'un seul expert, alors même que l'expertise annulée ou insuffisante aurait été faite par trois experts. L'expertise annulée est exclue du débat et le tribunal ne pourrait y puiser les éléments ou les motifs de sa décision, sur le fond; l'expertise insuffisante est au contraire maintenue au procès, elle est seulement complétée par la nouvelle ; les experts qui ont procédé à la première expertise peuvent recevoir mission de procéder à la seconde.

Les experts chargés de cette nouvelle expertise doivent prêter serment et les opérations n'en peuvent être faites qu'en présence des parties ou elles dûment appelées.

Quand l'expertise est régulière, le tribunal saisi du fond du débat n'est pas tenu de suivre l'avis des experts (art. 323 C. proc. civ.).

Le rapport laisse la défense entière.

Le tribunal peut statuer contrairement à l'avis des experts alors même que ceux-ci seraient unanimes ; les experts en effet ne jugent jamais le procès ; ils sont chargés seulement d'éclairer le tribunal; quand il s'écarte ainsi de l'avis de l'expert, le tribunal doit exprimer pourquoi il s'en écarte et, comme toujours du reste, motiver sa décision.

Le tribunal peut adopter partiellement l'avis des experts ; il peut aussi homologuer purement et simplement le rapport des experts.

Des vacations sont dues aux experts ; leur nombre n'en est pas limité, c'est le président du tribunal qui taxe ces vacations et les autres frais de I'expertise au bas de la minute du rapport ; il est délivré exécutoire de cette taxe contre la partie qui a requis l'expertise ou contre celle qui l'a poursuivie si elle a été ordonnée d'office (art. 319 C.proc. civ.). C'est cette partie qui est tenue de faire l'avance des frais d'expertise, sauf à en obtenir le remboursement de l'autre partie si elle gagne son procès.

Avant de commencer leurs opérations, les experts peuvent exiger une consignation pour faire face aux frais d'expertise. En outre des vacations et frais de déplacement, les experts peuvent avoir droit au remboursement des dépenses nécessités par les opérations de I'expertise (Décret du 14 février 1808, art. 159 et suiv.).

Expertise devant les tribunaux de commerce. Les règles relatives à l'expertise devant les tribunaux civil, sont en général applicables aux expertises devant les tribunaux de commerce, sauf les modifications nécessitées par l'organisation de ces tribunaux. Le tribunal de commerce n'a pas besoin du consentement des parties pour nommer un seul expert ; la nomination est faite par le tribunal, à moins qu'avant le jugement ordonnant I'expertise les parties ne se soient entendues sur le choix du ou des experts. ? La récusation des experts ne peut être proposée que dans les trois jours de la nomination ; le rapport doit être déposé au greffe du tribunal de commerce.

Expertise devant le conseil de préfecture. Elle est régie par la loi du 22 juillet 1889. L'expertise est, sauf très rares exceptions, facultative ; le conseil de préfecture peut l'ordonner soit d'office, soit sur la demande des parties. L'expertise ordonnée d'office peut être confiée à un seul expert que donne le conseil de préfecture, à moins que les parties ne se soient entendues pour cette désignation ; l'expertise ordonnée sur la demande des parties ne peut être faite que par trois experts, à moins que les parties ne consentent à la nomination d'un seul. Quand il y a trois experts, chaque partie en nomme un et le conseil de préfecture nomme le troisième. La désignation doit être faite par les parties dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêté ordonnant l'expertise.

Toute personne peut être expert sauf celles qui en sont incapables ; l'article 17 de la loi de 1889 prohibe la nomination comme expert de tout fonctionnaire qui a donné son avis ou participé aux travaux qui donnent naissance au litige.

Jusqu'à la prestation de serment, la partie peut rétracter la nomination qu'elle a faite et l'expert refuser la mission qui lui est confiée. Si, après l'avoir acceptée, l'expert ne remplit pas sa mission ou s'il ne dépose pas son rapport dans le délai fixé par le conseil de préfecture, il peut être condamné à tous les frais frustratoires et même à des dommages-intérêts.

La récusation est soumise aux règles du Code de procédure civile.

Les experts doivent prêter serment s'ils n'en sont dispensés par les parties.

L'arrêté qui ordonne I'expertise en énonce l'objet et précise la mission des experts, ceux-ci devant procéder ensemble à toutes vérifications en présence des parties ou elles dûment appelées. Les parties sont appelées aux opérations de l'expertise par lettre recommandée que leur adressent les experts quatre jours avant la réunion.

Le rapport contient le récit de toutes les phases de l'expertise et l'expression motivée de l'avis des experts ; quand les experts ne sont pas du même avis, le rapport doit indiquer l'avis personnel de chacun d'eux et les motifs.

Le rapport est écrit sur papier timbré par l'un des experts et signé par tous ; il est enregistré et déposé au greffe du conseil de préfecture dans le délai imparti par l'arrêté qui ordonne l'expertise ; les parties sont avisées de ce dépôt ; elles ont quinze jours pour en prendre connaissance et quinze jours pour produire leurs observations ; ces délais peuvent être prorogés, mais le conseil de préfecture ne pourrait statuer avant leur expiration.

Si l'expertise est nulle, le conseil de préfecture peut ordonner une nouvelle expertise ; si elle est insuffisante, il peut prescrire soit un complément d'expertise, soit demander aux experts des renseignements qui seront fournis à l'audience.

Le conseil de préfecture n'est pas tenu de suivre l'avis des experts ; il peut statuer contrairement à leurs conclusions (art. 22, loi de 1889).

Les experts joignent à leur rapport un état de leurs vacations, frais et honoraires ; la liquidation et la taxe en sont faites par le président du conseil de préfecture conformément au décret du 18 janvier 1890 ; cette liquidation peut être constituée par les experts ou les parties devant le conseil de préfecture statuant en chambre du conseil.

Mise à jour 2019-01-04


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