Jet d'eau

subs. masc.

Jet d'eauMen. Traverse basse des châssis de croisées ou de portes, plus épaisse que les bâtis sur lesquels elle flotte extérieurement. (Voy. assemblage et flottage.)

Les jets d'eau sont destinés à rejeter les eaux de pluie à l'extérieur; ils ont le plus souvent la forme d'un talon (fig. 1841) et sont quelquefois simplement abattus en chanfrein. Le trait ponctué indique le bois que l'on enlève à la scie pour lui donner sa forme définitive.

Fig. 1842. (Voy. croisée.) Il prend aussi les noms de rejeteau et de reverseau.

Fig. 1843. Fausses coupes de la partie saillante des jets d'eau pour le développement des châssis. Le vide entre les coupes est égal au croisement AB des deux arcs décrits de l'axe des paumelles sur la ligne qui les joint.

Outil à jet d'eauL'outil qui sert à les pousser prend aussi le nom de jet d'eau.

Fig. 1844. Outil à jet d'eau, vu sur le côté et par ie bout de derrière et la position occupée par la pièce que l'on pousse; ils sont quelquefois muni d'un contre-fer et dégorgent en dessus; une tige de fer placée en avant sert à le pousser à deux.

La préoccupation a toujours été fort grande parmi les constructeurs d'assurer l'étanchéité complète des jets d'eau; il n'est donc pas étonnant que l'on ait recherché les formes et les dispositions pour arriver au triple résultat suivant :

1° L'eau du dehors ne doit pas entrer dans l'appartement par capillarité ou par insufflation ;

2° L'eau provenant de la condensation de la buée sur les vitres doit être évacuée;

Le joint de la pièce d'appui et du jet d'eau doit être assez hermétique pour arrêter les coulis

d'air qui, surtout en hiver quand les cheminées sont allumées, en entraînant de l'eau et de la poussière salissent les lambris, les rideaux et les boiseries.

Une étude très intéressante a été faite sur les jets d'eau par M. Guillemin, architecte ; nous ne croyons pas mieux faire que d'en détacher les lignes suivantes :

Le groupement des pièces formant jet d'eau peut être divisé en trois catégories :

1° Pièces de menuiserie proprement dite; 2° pièces de menuiserie mixte (bois, fer ou fonte); 3° pièces de menuiserie métallique (bois, fer ou fonte).

I. Pièces de menuiserie proprement dite.

Jet d'eau en menuiserieLa disposition la plus simple et la plus ordinaire de la pièce d'appui et du jet d'eau est représentée figure 1845.

Un larmier, ou coupe-larme, creusé sous le jet d'eau, arrête la goutte d'eau qui descend sur le châssis et l'empêche de pénétrer dans le joint de la pièce d'appui. Le plus souvent on ajoute une rainure pratiquée le long de la pièce d'appui pour recueillir les eaux d'infiltration; mais on n'a pas toujours le soin de leur donner écoulement. Cette disposition ne ménage pas l'évacuation des buées intérieures.

Dans les dispositifs suivants existe un caniveau qui permet de réaliser la deuxième condition du programme. Ce caniveau, dans la disposition Baratoux (fig. 1846), recueille les eaux des buées intérieures et celles du dehors, qui, n'ayant pas été rejetées par le jet d'eau, ont pénétré dans la feuillure du battant. Le jet d'eau n'abrite pas suffisamment la pièce d'appui et les eaux de pluie ne peuvent être évacuées qu'au moyen du caniveau intérieur en suivant un trajet bien long.

M. Ferrand, architecte à Bordeaux, a imaginé un profil assez compliqué pour satisfaire aux deux premières conditions du programme. — On voit sur la figure 1847 que le jet d'eau d'appui présente deux larmiers qui écoulent leurs eaux dans deux feuillures d'où partent des rigoles traversant la pièce d'appui. Une troisième feuillure recueille les eaux intérieures.

Les eaux de pluie ne sont pas franchement rejetées au dehors par le jet d'eau qui ne fait pas saillie sur la pièce d'appui.

Nous préférons le dispositif de M. Bernard, de Besançon (fig. 1848). Il y a un jet d'eau saillant avec larmier. L'évacuation des buées intérieures est assurée par des orifices ménagés dans les petits bois; un canal traversant le battant amène l'eau dans une feuillure creusée dans la pièce d'appui; l'écoulement s'effectue par une rigole coiffée par une calotte métallique qui empêche le vent de faire rentrer l'eau.

La figure 1849 représente la pièce d'appui de M. Vandenbergh, architecte à Lille. Il y a deux caniveaux aboutissant par des rigoles séparées à un larmier. La pièce d'appui a un profil de jet d'eau. La fermeture est rendue plus hermétique au moyen d'un couvre-joint ou abat-vent rapporté sur le battant. Ce profil est à deux jets d'eau et ses deux feuillures sont un peu compliquées.

Le jet d'eau est supprimé sur le battant et reporté sur la pièce d'appui dans la figure 1850. Le joint est garanti contre la pluie par une plate-bande en tôle.

Une autre plate-bande forme abat-vent. Une feuillure sert de collecteur aux eaux condensées sur les vitres ; une rigole qui aboutit sous le larmier de la pièce d'appui rejette les eaux au dehors. Cette disposition est assez, simple.

Les différents dispositifs décrits ci-dessus assurent, d'une façon plus ou moins simple, l'évacuation des eaux qui ont pénétré dans le joint, entre le jet d'eau et, la pièce d'appui. On a cherché à réaliser une fermeture plus hermétique en protégeant les appartements contre les coulis d'air salissants et froids; pour cela, on a recours au bourrelet cylindrique en caoutchouc, collé ou cloué dans une feuillure de la pièce d'appui en avant ou, ce qui vaut mieux, en arrière du caniveau qui recueille les buées intérieures.

On fait usage aussi d'une bande en caoutchouc fixée sur la face du battant qui s'applique sur la pièce d'appui.

II. Pièces de menuiserie mixte.

Les pièces d'appui en bois, disposées pour recevoir les eaux de pluie et de buée, sont soumises à des alternatives d'humidité et de sécheresse qui les détériorent très rapidement. On a pensé naturellement à l'emploi de caniveaux en fonte.

Jet d'eau en menuiserie mixteLa figure 1851 represente une disposition très simple due à M. Fremiot, architecte. Une double gouttière en fonte est rapportée sur l'appui en bois. L'évacuation des eaux s'effectue par un tube en cuivre qui traverse la pièce d'appui.

La pièce d'appui Seidel est entièrement métallique. C'est un collecteur en fonte muni d'un caniveau pour les eaux de buées. Nous craignons que les orifices d'évacuation pratiqués dans l'épaisseur de la paroi s'encrassent facilement. Le nettoyage ne nous paraît pas facile. Fig. 1852.

III. Pièces de menuiserie métallique.

Considérons maintenant les fenêtres en fer. On sait qu'elles présentent, à dimensions égales, une plus grande surface vitrée que les fenêtres en bois. Il faut donc donner aux caniveaux de la pièce d'appui une section suffisante pour l'écoulement des buées condensées sur les vitres et sur les parties métalliques.

Cette facilité d'écoulement est réalisée dans l'appui Dumas. Cette pièce en fer profilé a l'aspect d'un chéneau (fig. 1853). Une cloison perforée sur laquelle vient s'appliquer le battant sépare les deux caniveaux. Le jet d'eau également en fer présente un profil un peu compliqué.

On ne peut pas adresser ce reproche au battant de la fenêtre Mazellet (fig. 1854). Nous trouvons que le collecteur de la pièce d'appui a une section bien faible, d'autant plus que le jet d'eau très surélevé garantit insuffisamment le joint contre la pluie battante.

Forcément, fatalement, involontairement, les perfectionnements apportés dans l'étude de ces pièces de menuiserie nous ont conduit à des formes qui se rapprochent beaucoup de celles du XVe siècle, époque où le jet d'eau et la pièce d'appui sont arrivés à leur plus entière perfection et où ils ont été le plus logiquement pratiqués. Ce fait n'a rien d'étonnant, car, raisonnant de la même façon qu'ont dû le faire les artistes du Moyen Age, nous devions arriver au même résultat qu'eux. Nous avons trouvé dans le Dictionnaire d'architecture de M. Viollet-le-Duc (vol. VI, page 302) un jet d'eau et une pièce d'appui provenant de l'hôtel de la Trémouille, à Paris.

Voici, d'après M. Viollet-le-Duc, l'explication de la figure 1855 (reproduction de sa fig. 22), représentant : en A la perspective et en C le profil de la pièce d'appui (désignée par lui sous le nom de jet d'eau inférieur, probablement comme on les désignait à la fin du XVe siècle). — « Cette figure donne, dit-il, l'assemblage du jet d'eau inférieur A, dans le montant du dormant B. On voit en D comment le jet d'eau du grand châssis ouvrant venait s'embrever en partie dans le montant dormant possédant une gueule-de-loup. »

Jet d'eau d'après Viollet-le-DucNous avons désigné, nous, cette gueule-de-loup par le mot noix, afin de la distinguer de celle qui, dans les temps modernes, sert à réunir les deux battants meneaux lorsque la croisée est fermée.

C donne le profil du jet A; ce profil était tracé de manière à empêcher l'eau de pluie chassée par le vent, suivant l'inclination a b, de remonter dans la feuillure c. La courbe d b obligeait la goutte d'eau, poussée par le vent sur ce profil, à suivre la courbe d e, c'est-à-dire à retomber à l'extérieur. Ces détails font voir avec quelle attention les menuisiers de cette époque établissaient leurs épures, comme ils donnaient aux moulures une forme convenable, en raison de leur place et de leur destination. Il faut reconnaître que depuis ce temps nous n'avons pas fait de progrès sensibles dans l'art de la menuiserie de bâtiment.

Dans la figure 1855, le jet d'eau inférieur enveloppe l'arête postérieure de l'appui en pierre, comme nous en avons senti la nécessité depuis longtemps.

Les fenêtres parfaitement étanches sont rares, malgré les innombrables systèmes inventés depuis plus de cinquante ans.

Voici, figure 1856, le jet d'eau A et la pièce d'appui B, les plus généralement usités.

Jet d'eau et la pièce d'appui les plus usitésIls présentent peu d'obstacles à l'introduction des eaux pénétrant sous la pression du vent. Le canal C (appelé gorge), qui recueille les eaux refoulées, est presque toujours insuffisant. Pour que son action soit efficace, il faut qu'il ait un diamètre égal à celui de la noix verticale des battants, et qu'il corresponde à cette noix pour recevoir aussi les eaux qui auraient pu s'introduire par là. La mouchette D et le dégorgeoir CE sont aussi généralement trop petits.

Le profil OPQ, outre qu'il n'est ni gracieux ni élégant, est loin d'être celui qui lance le mieux les eaux vers l'extérieur. Quant au lourd profil UEV de la pièce d'appui, il choque par sa grossièreté et reçoit la bave du jet d'eau pour la déverser sur l'appui de la baie, juste à l'endroit propice pour qu'elle dégrade le joint du mortier VW et ensuite s'introduise dans le bâtiment par ce joint, qui ne présente aucune barrière à son passage.

La figure 1857 (en ne tenant compte ni de la gorge H, ni du dégorgeoir HF, ni de la mouchette M) représente le jet d'eau et la pièce d'appui qui réalisent notre dernière solution pour ce genre d'éléments de croisée. C'est celle à laquelle nous nous sommes arrêté. Elle est le résultat des perfectionnements successifs expérimentés depuis trente-huit ans.

Parmi ces perfectionnements, c'est velui qui jusqu'ici a donné les meilleurs effets d'étanchéité toutes les fois que la menuiserie en a été scrupuleusement exécutée, en se conformant à des épures grandeur d'exécution, avec du bon bois de chêne abattu depuis plus de cinq années, dans des forêts situées sur des coteaux rocheux et bien exposés.

Voici comment se passent les choses, par les mauvais temps, à l'égard de ce jet d'eau et de cette pièce d'appui : L'eau, après avoir ruisselé sur le verre à vitre M et franchi le filet de mastic N, rencontre d'abord le cavé NO, qui la rejette suivant le prolongement (indiqué par une flèche) de la courbe NO; puis le reste, dépassant le point O, glisse, en le contournant, sur le profil OPQ jusqu'au point Q, où elle s'échappe suivant la courbe QQ', ou bien elle bave verticalement (lorsque le vent est faible) sur le profil STU de la pièce d'appui qu'elle éclabousse. — Si, au contraire, le vent est violent et souffle horizontalement, elle s'introduit jusque dans la mouchette RR'S, qui la laisse retomber sur ce profil STU, mais elle en est chassée suivant UU' par la forme même de ce profil. — Si le vent (en soufflant sur l'appui YZ) refoule (par son ricochet) l'eau en la faisant remonter sur la face STU de la pièce d'appui, une partie de cette eau rencontrant le jet d'eau retombe sur la pierre YZ, et le reste entre dans le joint SS, qui sépare ce jet d'eau de la pièce d'appui, mais là, bute contre la feuillure SG et retombe dans la large gorge G, pour s'en écouler par le dégorgeoir GE (1).

L'eau qui a ruisselé sur le profil STU de la pièce d'appui peut s'introduire dans le joint de ciment VW (ce qui a lieu quand ce joint est dégradé, chose qu'il est toujours prudent de prévoir). Aussi lui opposons-nous toujours un obstacle insurmontable en ménageant, lors de la taille de l'appui en pierre, par la forme même de cet appui, un filet WKLL' au haut de la face postérieure de cet appui.

Le mieux serait (quand c'est possible) de tailler la face supérieure de cet appui de pierre en forme de larmier, suivant une pente inclinée YZK (comme cela se pratiquait au Moyen Age).

La génération de nos profils est indiquée par des lignes pointillées. Tous les points de centre des courbes de ces profils le sont également

Voilà (fig. 1858) le profil d'un jet d'eau A, et d'une pièce d'appui, inventés par M. Longval, menuisier à Vanves (Seine) ; non seulement ils servent à recueillir dans la gorge les eaux ruisselant à l'extérieur, mais aussi, dans une seconde gorge R', celles provenant, à l'intérieur, de la buée condensée sur la paroi postérieure de la croisée, pour les rejeter en dehors par les dégorgeoirs.

Profil d'un jet d'eau et d'une pièce d'appui, inventés par M. Longval, menuisier à VanvesIl est à remarquer de plus que le joint séparant le jet d'eau de la pièce d'appui fait deux ressauts R et R', et rencontre deux mouchettes M. et M'; ce qui fait quatre obstacles à l'introduction de l'eau.

Une excellente chose serait d'apporter au système, tracé figure 1857, le perfectionnement que M. Long val a appliqué à la croisée ordinaire figure 1856, comme nous l'indiquons figure 1858. La chose serait d'autant plus facile que M. Longval, qui est breveté pour sa découverte, autorise tous les constructeurs à l'appliquer (moyennant une redevance d'un franc par croisée). Nous avons tracé en H, sur notre figure 1857, la seconde gorge, en HF le 2e dégorgeoir, et la 2e mouchette, spéciaux à la buée, qui sont l'invention de M. Longval (2). On remarquera que nous affaissons légèrement en I l'arête inférieure-postérieure du jet d'eau, afin qu'elle dirige la buée vers la pente presque insensible J, qui précède la gorge H ; ceci parce que les faces postérieures des châssis ouvrants et du dormant sont dans le même plan vertical, comme cela se pratique généralement en Belgique et dans le département du Nord, où les croisées, se faisant à imposte dormante, l'enlèvement des ouvrants s'opère facilement sans dévisser les paumelles (chose impossible quand une saillie de la traverse d'imposte s'oppose à l'ascension des châssis ouvrants).

La figure 1859 indique la noix qui (entre le battant dormant A et le montant ouvrant B) intercepte l'air et s'oppose à l'introduction de l'eau, en les arrêtant par le petit canal vertical X, qui les déverse dans la gorge G, figure 1857.

La figure 1860 montre un arrêt X' et un écoulement semblables pour la gueule-de-loup, en forme de grain d'orge, entre les deux battants meneaux C et D.

Jet d'eau en menuiserieNous engageons les constructeurs qui voudraient appliquer le jet d'eau à la pièce d'appui (fig. 1857) à ne pas faire pourtourner de moulures autour des jours des croisées ; mais à faire traîner des moulures ou des chanfreins, arrêtés (avec ou sans congés), sur les battants, sur le dessous des traverses et sur les deux arêtes des petits bois, afin de laisser aux assemblages toute leur force ; ils n'en ont jamais assez. Sur le jet d'eau (fig. 1857), nous faisons une pente m n, plutôt qu'une moulure, pour que la poussière et la buée n'y séjournent pas. — Nous engageons aussi à ferrer les croisées au moyen de paumelles posées sur le plat, et non sur le champ, des battants, parce que, dans cette dernière position, elles forceraient à couper tout ou partie de la noix.

PRIX (Voy. battants, châssis.)

(1) Lorsque les croisées sont très larges, il est bon d'établir jusqu'à trois dégorgeoirs en ondulant la pente de la gorge de façon à ce que l'écoulement s'opère vers ces dégorgeoirs. — Pour les croisées jusqu'à un mètre de largeur, un seul dégorgeoir suffit.

(2) Il faut avoir soin que les dégorgeoirs GE et HF ne soient pas dans un même plan vertical. En un mot, il faut qu'ils soient chevauchés, comme dans le système Longval ; — c'est leur position qui commande les ondulations des gorges.

Mise à jour 2019-01-04


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