Marchandage

subs. masc.

Action de marchander, de sous-traiter et d'exécuter à la tâche des travaux en seconde main pour le compte d'un entrepreneur, soit à prix convenus, soit d'après un tarif établi.

Dans certains métiers, tels que la maçonnerie, la taille de pierres, etc., ces sous-traitants prennent le nom de tâcherons; dans la menuiserie et la serrurerie, on les nomme marchandeurs, et les ouvriers qu'ils occupent prennent le nom d'ouvriers ou de compagnons marchandeurs.

Ces ouvriers, choisis par le marchandeur ou le tâcheron, sont payés directement par eux.

Législ. D'après Littré, le marchandage est « l'action d'un ouvrier qui prend du travail à forfait et le fait exécuter par d'autres ouvriers. » Cette définition n'est pas complète. Le marchandage est un contrat par lequel un ou plusieurs ouvriers prennent à forfait du travail qu'ils exécutent, soit uniquement par eux-mêmes, soit, avec le concours d'autres ouvriers. Dans la commission réunie au Luxembourg en 1848 et présidée par Louis Blanc, la question du marchandage fut examinée et discutée.

Il y a plusieurs sortes de marchandages, y disait-on : le marchandage habituel, qui consiste dans le travail à la pièce ou le piéçard ; ce genre de travail est avantageux à l'ouvrier et au patron; il est à conserver. Il y a ensuite le marchandage qui consiste dans l'entreprise faite ensuite par plusieurs ouvriers, par association, avec partage des bénéfices au prorata du taux de la journée de chaque associé. C'est là un genre d'association à conserver et à encourager. Enfin il y a le marchandage, par lequel un ouvrier ou tâcheron sous-entreprend certaines parties de travaux et les fait exécuter sous ses ordres directs. « Ce genre de marchandage, dit la commission, est oppressif pour l'ouvrier; l'abolition en est non seulement consentie mais réclamée par l'assemblée. »

A la suite de ce rapport, est intervenu le décret du 2 mars 1848 :

« Considérant que l'exploitation des ouvriers par des sous-entrepreneurs ouvriers dits marchandeurs ou tâcherons est essentiellement injuste, vexatoire et contraire au principe de la fraternité, décrète : L'exploitation des ouvriers par des sous-entrepreneurs ou marchandage est abolie. Il est bien entendu que les associations d'ouvriers qui n'ont pas pour objet l'exploitation des ouvriers les uns par les autres ne sont pas considérées comme marchandage. » Ce décret prohibitif du marchandage ne contenait aucune sanction pénale; il a été complété à cet égard par un arrêté du Gouvernement en date du 21 mars 1848 ainsi conçu : « Le Gouvernement, tout en réservant la question du travail à la tâche, arrête : Toute exploitation de l'ouvrier par voie de marchandage sera punie d'une amende de 50 à 100 francs pour la première fois; de 100 à 200 francs en cas de récidive; et, s'il y avait double récidive, d'un emprisonnement qui pourrait aller de un à six mois. »

Ainsi, d'après les deux dispositions, le marchandage ou exploitation de l'ouvrier par l'ouvrier est interdit et puni de peines correctionnelles. Le contrat qui est aussi prohibé, c'est le contrat par lequel un ouvrier (tâcheron, marchandeur) sous-entreprend à forfait certains travaux partiels qu'il fait exécuter par des ouvriers travaillant avec lui et sous ses ordres directs. Le travail à la pièce et la sous-entreprise faite par des ouvriers associés qui partagent entre eux les bénéfices en résultant ne sont pas atteints par ces prohibitions.

Le décret de 1848 n'a pas été appliqué pendant de longues années ; on a pu soutenir qu'il avait été abrogé ; mais la Cour de cassation a décidé, le 4 février 1898, que les dispositions du décret du 2 mars 1848 et de l'arrêté du 21 mars étaient toujours en vigueur.

L'interprétation de ce décret a donné lieu à des difficultés. On a prétendu que la prohibition édictée en 1848 n'atteignait que le trafic déloyal, la collusion entre l'entrepreneur et le sous-traitant ouvrier, un acte dolosif ayant pour effet d'entraîner une réduction exagérée du prix du travail et d'exposer les ouvriers aux dangers de l'infidélité ou de l'insolvabilité du marchandeur. Mais cette interprétation ne saurait être adoptée; elle est contraire au texte et aux revendications qui ont motivé la prohibition inscrite dans le décret de 1848. Ce que l'on a voulu interdire, c'est le marchandage, c'est-à-dire le contrat par lequel un tâcheron sous-entreprend certains travaux qu'il fait exécuter par d'autres ouvriers travaillant avec lui et sous ses ordres. Du moment où le sous-entrepreneur est un ouvrier, et où le travail est payé à la journée, le délit prévu et puni par l'arrêté du 21 mars 1848 existe. Peu importent les transformations qui défigurent le marché, qui lui en substituent un autre; peu importe le but que se sont proposé les contractants. Ce qui est interdit, c'est le contrat lui-même que l'on trouve « oppressif », dans lequel on voit une exploitation de l'ouvrier.

Quand le délit existe, le tâcheron peut être poursuivi et l'entrepreneur peut aussi être l'objet de poursuites comme complice si, lorsqu'il a traité, il a su que le tâcheron devait employer pour l'exécution des travaux des ouvriers travaillant à la journée ou à l'heure, alors même qu'aucun dol, aucune collusion déloyale ayant pour but d'avilir les salaires ou de frustrer les ouvriers, n'aurait été établie contre cet entrepreneur.

Mise à jour 2019-01-04


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