Le style roman succéda au style romain et ce fut aussi avec le style roman que furent construits les édifices qui s'élevèrent du Ve siècle à la fin du XIIe siècle ; le nom de roman est celui qui était donné à la langue latine dégénérée : on lui donne également le nom de byzantin ou de roman-byzantin, à cause des emprunts qu'il fit à la décoration byzantine, lorsque le siège de l'empire romain fut transporté à Byzance.
Cette longue période qui embrasse huit siècles peut être divisée en deux périodes : l'une qui va du Ve siècle à la fin du Xe et qui constitue le roman primitif ; l'autre qui commence avec le XIe siècle pour finir avec le XIIe et qui forme le roman secondaire. Immédiatement avec le XIIIe siècle, commencent les débuts du style ogival ou plutôt les premières déformations qui tranchent nettement la période précédente de celle qui va suivre.
Toute la période comprise entre le Ve siècle, chute de l'empire romain, et le XVe siècle, est englobée sous la dénomination de moyen âge. (Voy. ce mot.)
L'art roman, succédant à l'art romain, devait lui emprunter non seulement les données générales de la construction et de la disposition des édifices, mais aussi les caractères essentiels de sa décoration et de sa sculpture. Il ne faut donc pas être surpris de trouver dans les édifices de cette époque une certaine lourdeur, une certaine massivité, surtout dans les constructions du roman primitif, et aussi une sobriété assez grande dans la décoration. Ce n'est que plus tard que l'ornementation se fit plus abondante, mais toujours en demeurant un peu grasse, un peu étoffée. Les colonnes sont généralement petites et trapues ; les chapiteaux sont peu sculptés ; à leurs ornements se mêlent quelques figures humaines ou animales, mais toujours très sobres ; les ornementations à formes régulières telles que les dents de scie A, les billettes B, les imbrications C, les fuseaux D, les damiers E, les pointes de diamants F, les nibules G, les câbles H, les besants I, les chevrons brisés J, les étoiles K, les têtes de clous L, les frettes crénelées triangulaires M, forment la plus grande ressource décorative de toute la première période romane (fig. 3680, 3681, 3682, 3683), ornementation primitive, comme on le voit, faite par des artistes qui se préoccupaient plutôt de construire solidement que superbement.
Il ne faudrait pas cependant conclure de ces règles générales que l'architecture romane fut lourde ou disgracieuse. Tout en asseyant solidement leurs édifices, en les établissant de telle façon qu'ils subsistent encore aujourd'hui non seulement dans leurs masses imposantes, mais aussi dans les détails, les artistes de cette époque se préoccupaient d'une certaine élégance, compatible avec les règles qu'ils s'étaient fixées et surtout d'une recherche excessive dans la silhouette extérieure qui demeure toujours magistrale et imposante.
Il suffit de parcourir les cloîtres de Saint-Benoit-sur-Loire XIIe siècle, l'église d'Aulnay (Charente-Inférieure), XIIe siècle, la cathédrale de Chartres, XIIe siècle, pour se convaincre du goût absolument pur apporté par les architectes et les sculpteurs.
Cette même rechercha de la sobriété ornementale, jointe à une conception très pratique de la construction, se retrouve dans les quelques maisons privées qui survivent encore de cette époque et que l'on peut voir soit à Saint-Gilles (Gard), près Tarascon, XIIe siècle, soit à Cluny (Saône-et-Loire), XIIe siècle. On retrouve là la même décoration dont les figures précédentes donnent une idée.
L'église de Jort (Calvados), XIIe siècle, le cloître de Saint-Trophime d'Arles, XIIe siècle, le cloître de Moissac, XIIe siècle, donnent une idée de la richesse sculpturale que surent atteindre les artistes. Il n'entre pas dans le programme de cet ouvrage d'envisager ces périodes au point de vue de l'architecture, il suffit de signaler quelques-uns des principaux monuments que nous en possédons. Ajoutons encore à cette liste l'église de Montmartre, à Paris, XIe siècle ; dont la figure 3684 reproduit un chapiteau ; l'église de l'abbaye de Sainte-Geneviève, à Paris, XIe siècle ; la cathédrale d'Angoulême, XIe siècle, qui est une des plus belles perles de cette riche couronne.
La figure 3684A en peut donner une idée, bien qu'il ne nous ait pas été possible d'en faire la reproduction à plus grande échelle. On retrouvera sur cette façade tous les caractères essentiels du style roman de la plus belle période ; aucun exemple ne saurait être plus complet ni plus démonstratif.
Notre-Dame-du-Port, à Clermont-Ferrand ; Saint-Hilaire, à Melle ; Saint-Sernin, de Toulouse ; Saint-Philibert, de Tournus ; la Trinité, de Caen; Notre-Dame, à Poitiers ; la Madeleine, à Vézelay ; Saint-Etienne, à Nevers ; Saint-Sever, des Landes ; Saint-Martin-d'Ainay, à Lyon ; Sainte-Croix, à Quimperlé sont des chefs-d'œuvre qu'il est permis de citer et qui font le plus grand honneur aux artistes qui les ont conçus et exécutés.
Dans tous ces monuments on remarquera que les scènes de l'histoire sainte et la légende se mêlent aux sculptures ornementales. Les figures sont traitées avec la même sobriété que l'ornementation, mais toujours avec la même sincérité.
L'influence byzantine se trahit par la multiplicité des coupoles, comme on peut le voir à la cathédrale d'Angoulême ou à l'église de Saint-Front, à Périgueux.
A mesure que les siècles s'écoulent, l'ornementation des voussures, des arcatures, des chapiteaux et des bases se fait plus abondante ; les ornementations simples que nous avons décrites plus haut sont remplacées par des rinceaux ou des feuillages nerveusement fouillés. Ces feuillages se retournent selon des lignes formant presque toujours le plein cintre ; le tailloir du chapiteau est presque toujours carré. Les animaux chimériques jouent un très grand rôle dans la décoration sculpturale ; on les trouve unis aux ornements dans les frises, dans les chapiteaux, quelquefois même, comme à Saint-Trophime d'Arles ou à Saint-Gilles du Gard, supportant des groupes de colonnes.
Les cathédrales sont souvent ornées de roses (voy. ce mot), dont les meneaux, rayonnant du centre à la circonférence, rappellent un peu les jantes d'une roue.
Les figures gardent dans les physionomies un grand air de simplicité ; les draperies qui les couvrent sont en général un peu raides, tombant en plis réguliers, très étudiés.
La mouluration est peu compliquée ; et ce n'est qu'en s'approchant du XIIIe siècle que les profils prirent cette variété de silhouette qui fut poussée si loin pendant la période ogivale.
On peut donc tirer des indications qui précèdent, les signes caractéristiques principaux du style roman ; ils sont les suivants :
Le plein cintre ; des arcatures simulées fréquentes ; des colonnes et piliers un peu trapus pour leur diamètre, une ornementation élémentaire au début et qui va s'enrichissant à mesure que l'on se rapproche du XIIe siècle ; des formes ornementales puissantes, très souvent mêlées à des figures humaines ou animales ; une abondance de sculptures représentant des scènes d'histoire.
Il suffira à présent de donner quelques exemples très caractéristiques permettant une classification rigoureuse des œuvres romanes.
Fig. 3685, 3686. Tailloirs de chapiteaux au cloître de Moissac, XIe siècle. Ces deux tailloirs, choisis parmi les très nombreux, tous différents, qui surmontent les chapiteaux du cloître, donnent une idée exacte de la puissance ornementale et de l'originalité décorative du style roman. Les feuilles sont grasses et puissantes ; les animaux étranges y sont habilement mêlés.
Fig. 3687. Chapiteau de l'église du prieuré de Souvigny (Allier), XIe siècle. Ornementation un peu fruste, mais toujours largement comprise. La forme cubique du chapiteau est également très caractéristique. Les moulures qui surmontent le chapiteau sont, certainement, d'une époque moins éloignée, du XIIe siècle sans doute.
Fig. 3688. Arceaux à l'église de Moulis (Gironde), XIIe siècle. Ornementation obtenue par des chevrons brisés et des billettes ; plein cintre ; chapiteaux formés d'ornements et d'animaux ailés, colonnes accouplées et engagées, ce qui est très fréquent dans le style roman.
Fig. 3689. Frise à la cathédrale d'Angoulême, XIIe siècle. Palmettes larges et grasses ; motif historique représentant un combat à l'entrée d'un village. Les guerriers portent les costumes antérieurs aux premières croisades ; les visages, les attitudes ont la simplicité que nous avons signalée comme un des caractères de cette époque.
Fig. 3690. Frise à l'église de Moissac, XIIe siècle. Belle ornementation où des masques d'animaux servent d'agrafes.
Fig. 3691. Chapiteau, cloître de Saint-Trophime, à Arles, XIIe siècle.
Fig. 3692. Chapiteau, musée de Cluny, à Paris, XIIe siècle. Mêmes observations quant à la puissance ornementale ; la mouluration des chapiteaux se complique déjà un peu.
Fig. 3693. Frise à la cathédrale de Sens, XIIe siècle. Ornementation qui renferme bien tous les caractères de force, d'énergie de la décoration romane.
Terminons en donnant (fig. 3694) un siège provenant du temple israélite de Lyon, siège exécuté par M. Thévenet, d'après les dessins de M. A. Hirsch, architecte. Toute l'architecture de ce monument, aussi bien que son ameublement, sont conçus dans le style roman byzantin le plus pur et le plus étudié.
Mise à jour 2019-01-04