L'évolution à laquelle on assiste quand on suit les étapes successives de l'art décoratif depuis le moyen âge, depuis le gothique, jusqu'au règne de Louis XV, va se précipiter et faire un grand pas sous ce règne.
Aux formes sévères du style ogival succèdent peu à peu les formes plus élégantes, plus riantes du Louis XIII, de la Renaissance. A celles-ci, le Louis XIV vient apporter son appoint de fantaisie ; le règne de Louis XV, surtout à sa dernière période, va accentuer cette marche rapide vers la fantaisie et lui faire atteindre son apogée avec le style rocaille ou rococo.
Cette marche assez rapide vers la décoration moins solennelle, moins majestueuse, s'observe déjà vers 1791, après la mort de Charles Lebrun, qui avait donné à la construction et à la décoration des édifices royaux dont il avait été chargé toute la magnificence et toute la somptuosité qui caractérisent cette grande époque.
Au début du règne de Louis XV (XVIIIe siècle : 1715-1774), c'est-à-dire sous la Régence de 1715 à 1723, on retrouve les mêmes formes, les mêmes ornementations que sous la dernière période de Louis XIV, avec une tendance cependant à rendre les ornements encore plus délicats, plus dégagés, plus légers. Il semblerait que l'on voulût, pour complaire à la souveraine, féminiser même la décoration ; ou plutôt, c'était la courbe de l'évolution ornementale qui se poursuivait et qui se continuera jusqu'au moment, fin du Louis XV, où elle aura atteint son maximum de fantaisie, de caprice, de décadence ; alors une réaction en sens contraire se fera et on verra sous Louis XVI l'ornementation s'efforcer d'être aussi simple et aussi sévère, aussi pure dans ses lignes, que la précédente avait été compliquée, fantaisiste et capricieuse ; mouvement de sévérité facilité par les récentes découvertes d'Herculanum dont s'inspirera le style nouveau.
Comme dans le style Louis XIV, ce sont donc les mêmes coquilles, les mêmes chutes de fleurs et de fruits, les mêmes guirlandes que l'on retrouve dans cette première période du Louis XV, la Régence ; mais coquilles, chutes et guirlandes sont traitées déjà avec plus de désinvolture, plus de liberté d'allure, avec quelque chose de plus enjoué, de plus aimable que précédemment. Les appartements, les salons étant devenus moins spacieux, il fallut donner à leur décoration un caractère moins grandiose, et au lieu des grands rinceaux d'ornements, des belles envolées de volutes, on trouve des ornementations aux lignes brisées, aux lignes contrariées, alternativement concaves et convexes, n'obéissant qu'au caprice, à la fantaisie et au milieu desquelles se jouent des palmes, des fleurs, des rubans, des animaux de tous genres, surtout des singes, des rosaces, des figures humaines. Plus on avancera dans cette époque, plus les lignes de la composition s'échevèleront, jusqu'à devenir tout à fait incohérentes, comme dans la dernière partie du règne.
La figure 2107, Chambre de parade, hôtel de Soubise, à Paris, donne une idée assez complète de l'ensemble d'une décoration intérieure Louis XV, époque de la Régence. On voit que la disposition des panneaux, aussi bien que leurs formes, gardent encore une remarquable régularité et une symétrie voulue. Les ornementations offrent le même caractère ; il y a évidemment, dans toutes les parties de cette décoration, une réminiscence bien nette de l'ornementation sous les dernières années de Louis XIV.
La figure 2108 donne à plus grande échelle certains détails de l'ensemble 2107. Ils montrent toute la régularité et toute l'harmonie tranquille de l'ornementation ; et cependant, déjà dans les feuilles d'acanthe, dont les formes sont plus molles, moins raides, il y a une tendance à l'abandon qui ira s'accentuant ; cela est très remarquable dans le motif du milieu. Mais la forme de l'encadrement découle encore du style Louis XIV, les angles cintrés également ; bien que les feuillages soient plus librement traités, de forme plus souple.
La figure 2109 reproduit un dessus de porte de la même époque. Les ornements ne sont plus sévères et se ressentent plus que les précédents de l'influence de la décoration Louis XIV. Comme dans celle-ci, on trouve les mêmes coins cintrés formés par des rinceaux recourbés, les mêmes retours d'équerre, la même symétrie ornementale.
A plus grande échelle, la figure 2110 donne des morceaux d'ornements de style Louis XV, époque de la Régence ; on observe en eux toujours la même symétrie, la même ornementation mesurée et encore pondérée. Les rinceaux, terminés par des moulurations horizontales, se rencontrent fréquemment dans la sculpture sous Louis XIV et sous Louis XV. Ces fragments appartiennent à un dessus de porte et à une frise en bois sculpté d'un ancien hôtel de la place des Vosges, à Paris.
La figure 2111 donne le modèle d'une très gracieuse porte cochère, exécutée sous la Régence, d'après un dessin de Mariette.
Elle rappelle absolument la décoration Louis XIV, autant par la forme des panneaux que par les moulures et la sculpture, celle-ci cependant plus délicate et plus fine. La ligne de démarcation entre ces deux périodes, fin du Louis XIV et début de la Régence, est du reste très subtile et se souligne plutôt par le détail des formes que par les lignes générales de la composition.
Ainsi il est bien évident que la porte que reproduit la figure 2112, Hôtel de Soubise, à Paris, se recommande tout autant de la dernière période du Louis XIV que de la période suivante. Les panneaux sont à angle droit ; la mouluration est plutôt sévère, l'ordonnancement général de cette menuiserie est symétrique. L'ornementation, cependant, a déjà quelque chose de plus libre, de plus rompu ; les coquilles affectent des formes plus dégagées, la table qui fait le centre des grands panneaux est d'un galbe déjà plus mouvementé ; il y a, en dehors de la date certaine de cette menuiserie, des indices qui suffiraient à indiquer son origine. Elle provient d'un salon de l'hôtel de Soubise et a été exécutée d'après les dessins de Boffrand.
Si on étudie l'ébénisterie, on remarquera les mêmes caractères que l'on a constatés dans la menuiserie.
Les pieds ne sont plus en forme de balustres ; ils sont galbés, contournés, et très souvent terminés en haut par une figure humaine plus ou moins empanachée. Comme sous Louis XIV, on retrouve la griffe faisant la partie inférieure du pied.
Fig. 2113. Bureau en bois d'amaranthe, par Cressent.
Le dessus des meubles et la ceinture sont très souvent chantournés, l'ornementation ou les fleurs se détachent sur un fond travaillé soit en écaille, soit sur un berthelé, soit sur des treillages en losange ; les entre-jambes sont également chantournés.
Fig. 2114. Console de trumeau, Musée du Garde-meuble national, à Paris.
La figure 2115 reproduit la partie supérieure d'un encadrement de glace, hôtel Lambert, à Paris. On revoit là le même genre de décoration que l'on a remarqué dans la figure 2108, les mêmes arrangements de cadres, les mêmes formes d'ornementation, et aussi la même tendance à une ornementation plus lâchée que l'on retrouve dans les palmes de la figure 2115, comme on l'observe dans la partie centrale de la figure 2108.
C'est encore à la même époque de la Régence qu'il faut attribuer le double intérieur de salon que reproduit la figure 2116. Là, le mélange des deux périodes est bien lisible. Un des jambages de la cheminée est absolument inspiré de la forme balustre qui a caractérisé l'époque de Louis XIV ; les ornements qui surmontent le cadre de la glace et ceux au-dessus de la porte (côté gauche) sont bien de la fin du règne de Louis XIV, alors que la forme des panneaux, les rinceaux qui les décorent, les ornementations de la glace sont des premières années de la Régence.
A mesure que s'écouleront les années du règne de Louis XV, les formes de l'ornementation deviendront de plus en plus fantaisistes ; c'est l'abandon complet, absolu de tous les principes qui ont jusqu'alors réglementé la décoration ; la marche sera rapide. Les lignes de la composition affectent toutes les formes, les ornements s'accrochent, s'accotent les uns aux autres sans aucun ordre ; la coquille avec toutes ses variantes forme la base presque unique de cette ornementation échevelée.
En ébénisterie, l'ébène avec ses rehauts de bronze, avec ses incrustations merveilleuses, semble trop sévère et trop solennelle pour ces appartements plutôt enjoués. On remplaça donc le bois noir par des bois plus riants, plus frais, par des bois aux couleurs plus séduisantes. Le bois de rose, le bois d'amaranthe sont fréquemment employés et cadrent mieux avec la coquetterie élégante du reste de la décoration.
Les meubles sont presque toujours galbés et ventrus ; la ligne droite, même pour les façades des meubles, paraissant trop sévère.
C'est aussi à ce moment que la décoration au vernis Martin a son plus grand développement ; elle permet d'agrémenter les champs des meubles de sujets légers et aimables, de bouquets et de guirlandes de fleurs au milieu desquels se jouent des petits marmots, joufflus et roses. Cette décoration au vernis Martin était déjà connue sous Louis XIV ; mais les frères Martin, sous Louis XV, la perfectionnèrent et lui donnèrent leur nom. C'est sur un champ de bois ou de carton, que l'on a, au préalable, doré par les procédés ordinaires, une peinture faite à l'huile d'après les procédés habituels. Dessus cette peinture, une fois sèche, on étend un vernis à base de résine. On fait ensuite chauffer à feu très doux. La résine et le vernis, par cette légère cuisson, pénètrent dans la peinture et lui donnent cet aspect cuivré et chaud si agréable. Ces procédés sont appliqués de nos jours par presque tous les fabricants de ces sortes de petits meubles.
La figure 2117. Médaillier d'angle, à la Bibliothèque nationale de Paris, est encore d'une bonne époque ; les ornementations qui recouvrent ce meuble, tout en étant cependant déjà considérablement plus libres qu'elles ne l'eussent été sous le règne précédent, conservent encore un certain maintien.
On peut en dire autant du panneau de porte cochère que reproduit la figure 2118 ; mais déjà les galbes des panneaux commencent à affecter des dessins mouvementés ; l'ornementation devient de plus en plus délicate et fine, aussi bien dans ses grandes lignes que dans ses détails ; la fleur, comme guirlandes et chutes, y joue un rôle de plus en plus important ; de la coquille, comme le montre la partie supérieure, on a tiré des motifs de décoration assez heureux, mais très fantaisistes. Le tout reste élégant, gracieux, mais d'inspiration déjà frivole et badine.
Plus l'on avancera dans le règne de Louis XV, plus on remarquera la liberté, l'indépendance avec laquelle seront traitées la menuiserie aussi bien que l'ébénisterie. Il semble que peu importe aux artistes comment les formes s'arrangent entre elles, pourvu qu'à l'aspect l'ensemble soit agréable et garde la coquetterie qu'ils veulent y mettre.
Les figures qui suivent montrent, par étape, l'acheminement vers le style de la complète décadence, celui qui termine le règne de Louis XV.
Fig. 2119. Menuiserie d'une alcôve.
Fig. 2120. Boiserie d'un banc de choeur cintré, comme le montre le plan.
Fig. 2121. Confessionnaux.
Fig. 2122. Armoires. Là, les panneaux ont toujours leur mouluration importante (dont nous donnons les détails à plus grande échelle), mais cette mouluration encadre les formes les plus bizarres, les moins prévues. Comparées aux formes des styles qui ont précédé, celles-ci étonnent par leur désinvolture indépendante. On n'est pas encore arrivé à la période la plus accentuée de cette décadence, mais déjà on peut suivre l'évolution rapide qui s'est faite. Il suffit de comparer la sévérité et la majesté de la décoration précédente à l'abandon, au sans-façon de celle du Louis XV pour avoir une idée bien nette du mouvement qui s'est opéré dans le goût et dans les idées. Il serait aisé d'en déduire des considérations philosophiques sur le caractère et sur les mœurs, si ces considérations ne sortaient pas du cadre de cet ouvrage.
Quoi qu'il en soit, le règne de Louis XV marque une étape bien particulière et bien décisive dans l'ornementation.
On va voir, par des exemples tirés de travaux et de gravures de l'époque, combien cette évolution va se précipiter rapidement avec la fin de ce règne.
Fig. 2123. Croisées et lambris, avec ébrasement et arrière-voussure de Marseille. Le profil des moulures est donné à plus grande échelle. Il montre la multiplicité des moulures et aussi l'habileté avec laquelle les moulures saillantes sont dégagées.
Il suffira de reproduire un certain nombre des travaux qui ont été exécutés en menuiserie et en ébénisterie dans cette dernière période du règne de Louis XV pour que l'on ait une idée très exacte de l'évolution considérable qui s'était faite peu à peu dans le goût public.
La figure 2124 reproduit toute une face de salon. On remarquera combien les panneaux, les dessus de portes, les ornements ont pris des formes accidentées, décousues, libres. L'ornementation est devenue capricieuse ; elle ne suit plus une ligne définie de composition, elle suit la fantaisie et le caprice ; la coquille, très mouvementée dans sa silhouette, très accidentée dans ses reliefs, forme la base essentielle de ce style ; les rinceaux qui s'y ajoutent sont toujours grèles, légers et très fréquemment entrecoupés de branches, de fleurs ou de feuillage. Les cheminées aussi bien que les ceintures des meubles, sont chantournées, aussi les pieds des sièges. Partout où la fantaisie a pu planter une racine pour chasser la ligne sévère et droite, elle l'a fait. C'est le règne de la coquetterie et de l'élégance ; la décoration a subi la conséquence des mœurs au milieu desquelles elle était placée. Aux hommes qui portaient des bijoux, des dentelles et dont la plus grande occupation était le culte de l'élégance, il ne pouvait convenir un cadre sérieux et sévère ; il fallait que tout fût à l'unisson et à cette vie badine et de plaisirs, il fallait des décors d'appartements enjoués et riants. Le style de cette époque donne la note exacte, typique des caractères de cette époque.
L'exemple est encore plus frappant dans la figure 2125. Lambris sculpté, hôtel de Villars, à Paris. On retrouve là la fantaisie poussée à sa limite presque extrême, en même temps que l'on remarque une profusion de décoration excessive.
Tout ce qui est encadrement ou panneau n'a plus de forme précise ; c'est varié, découpé, morcelé ; les ornementations s'enchevêtrent les unes dans les autres par simple caprice, pour le plaisir du décorateur, comme les marquis de cette époque se mettaient de la dentelle un peu partout, dans leurs vêtements. Les ornementations sont agrémentées de figures de femmes, de petits corps d'enfants, de trophées, de palmes : tout cela dans un désordre gracieux et sans respect des règles de l'art décoratif.
Peut-on trouver une ornementation plus capricieuse, plus mouvementée que celle qui fait la décoration des cheminées reproduites par les figures 2126, Cheminée et lambris, par Blondel ; fig. 2127, Cheminée, d'après Charfentier ?
Il n'y a vraiment plus d'ornementation ; c'est l'échevèlement le plus complet, le débordement de toutes les bizarreries. La coquille domine de plus en plus ; les animaux, oiseaux, etc., ont des formes étranges, des cous allongés à l'excès, des corps fantastiques ; c'est la négation absolue de tous les principes qui ont jusqu'alors commandé à la décoration. Il faut remarquer toutefois que, dans son abandon, cette ornementation reste toujours légère, gracieuse et de bon goût ; c'est comme une débauche de bonne compagnie.
L'observation reste identique dans les deux portes reproduites par les figures 2128 et 2129. L'une est une porte de salon et l'autre une porte cochère. Dans l'une comme dans l'autre, on retrouve la même ornementation. Observons que les dessus des portes continuent à avoir des proportions énormes et servent de prétexte à encadrements de peintures.
Ce que l'on a observé dans la menuiserie décorative se retrouvera exactement semblable dans l'ébénisterie, dans le meuble aussi bien que dans le siège. Partout et toujours cette même préoccupation de mouvementer les lignes, de les galber, de les cintrer, de les creuser, de faire enfin qu'elles jouent et papillottent à l'œil ; toujours cette préoccupation d'accidenter l'ornement sans s'occuper s'il se rattache ou non à l'ornement voisin ; le seul but recherché est que cet ornement soit gai, pimpant, qu'il fasse bien là où il est mis en place.
La figure 2130, Trumeau de glace, d'après Meissonier, donne un exemple bien frappant de ce qu'était devenue l'ornementation dans cette dernière période du règne de Louis XV. Nous sommes là en plein épanouissement de l'emploi de la coquille qui est devenue la base de tout ornement. Ceux-ci se présentent tout à fait mous et négligés dans leurs formes. Les acanthes se retournent capricieusement, s'enroulent et se déroulent en rinceaux multiples n'obéissant plus à aucune autre règle que celle de la fantaisie, tout en demeurant d'une élégance irréprochable.
De la même époque datent les deux panneaux reproduits par la figure 2131, d'après Cuvilliès.
On retrouve là tous les signes caractéristiques du style Louis XV, dernière période, tant au point de vue des lignes de la composition qu'au point de vue du détail. Composition certainement charmante et gracieuse, mais absolument futile et badine, faite de fragments d'ornements s'arrangeant un peu au hasard sur le canevas choisi. L'ornement adaptant à son usage la figure humaine, les animaux, les fleurs, les plantes, etc. ; tout cela arrangé selon les formes du moment.
La figure 2132, Fleurons, d'après Habermann, est également très significative et montre toute l'incohérence de ce style rococo qui est bien la décadence la plus marquée de tous les styles antérieurs. Il était évident qu'après un style aussi fantasque, devait surgir un style tout différent ; nous le constaterons en étudiant le style Louis XVI.
La figure 2133 représente, d'après Cornille, deux faces d'armoires, dont coupes et profils sont donnés à plus grande échelle.
Dans la figure 2134, même débauche d'ornements baroques, de panneaux bizarres. C'est, d'après Babel, la reproduction d'un buffet, ou armoire qui servait de resserre au linge de table et de literie. Les panneaux des vantaux sont à moulures plus ou moins richement ornées ; ils portent aux angles des échancrures accompagnées de feuillages ou de rocailles. Les champs intérieurs sont décorés de sculptures ou de compartiments unis, ou à bords chantournés. Les rives des montants du corps supérieur portent des consoles ; elles sont ornées d'entrelacs, de rocailles et d'autres motifs surmontés de roses, flammes, bouquets posant sur l'amortissement général. Le couronnement est chantourné, le tympan reçoit des coquilles, palmettes, etc., et, très souvent, se termine par un panier fleuri. Dans la figure 2134, une guirlande de fruits s'échappe de la coquille centrale s'interrompt au joint des vantaux, qui se terminent par des parties arrondies dans le haut.
Les sièges subirent la même transformation. Les pieds sont galbés en forme de cols de cygnes. Les devantures sont généralement renflées dans la partie centrale et dans les bois qui servent à former le dossier; on retrouve les mêmes ornements, les mêmes moulures tantôt concaves, tantôt convexes, et presque partout aussi la coquille avec ses dérivés.
Les quelques sièges qui, sont reproduits ci-après sont dessinés d'après des modèles de l'époque; ils sont donc d'une authenticité absolue. Etant donné l'engouement qui s'attache de nos jours aux sièges de cette époque, il n'est pas douteux que les ébénistes trouveront là des renseignements d'un grand intérêt.
La figure 2135 est un demi-canapé.
La figure 2136 est un canapé.
La figure 2137 est un sopha — déjà d'une époque qui avoisine le Louis XVI, ce qui se signale par la forme générale du dossier.
Comme on le voit, ces formes ont été fort peu modifiées par nos ébénistes modernes ; on s'est borné à leur donner un peu plus de légèreté, un peu plus d'élégance ; mais l'ébénisterie actuelle a conservé tous les caractères de l'ébénisterie ancienne.
La coquille a été, nous l'avons dit, une ressource de l'ornementation sous Louis XIV ; elle avait alors une forme plus correcte, plus simple, plus classique, et c'est à cela qu'on la distinguera de la coquille plus fantaisiste, plus mouvementée, plus découpée, si fréquemment employée dans la décoration Louis XV, surtout dans la seconde partie de ce règne.
La menuiserie moderne, de même que l'ébénisterie, a fait choix, dans le style Louis XV, d'une époque qui serait entre la période sévère et la période fantaisiste. Tout en conservant à ce style les signes essentiels qui viennent d'être soulignés et les formes ornementales qui suffiront pour reconnaître ce style, menuisiers, sculpteurs et ébénistes ont, de nos jours, tenu à conserver un peu plus de tenue à leur composition ; l'ornementation est moins capricieuse, les lignes de la composition sont plus suivies, plus étudiées.
La figure 2138, qui reproduit une porte et des lambris Louis XV, montre que la menuiserie moderne a pris à tâche de concilier les exigences de l'ornementation du style Louis XV avec les fermetés de lignes de notre architecture moderne.
Il n'en a pourtant pas toujours été ainsi et on retrouvera fréquemment dans la menuiserie et dans l'ébénisterie de notre époque, les mêmes caprices d'ensemble et de détails qui distinguent l'ornementation sous Louis XV.
La chambre à coucher, reproduite par la figure 2139, a toute la désinvolture d'ornementation des exemples que nous venons de parcourir; ce sont des modèles intéressants, très appréciés de nos jours.
On en peut dire autant du buffet que donne la figure 2140. Le galbe des façades, le contournement des pieds, la souplesse des ornements sont bien caractéristiques du style Louis XV.
Même observation pour le lit et la table de nuit donnés par la figure 2141. Les formes des dossiers sont particulièrement réussies et bien galbées.
Nous devons à l'obligeance de M. Schneider, sculpteur ébéniste à Paris, les modèles suivants qui nous ont semblé d'une très belle venue et d'une bien charmante pureté de style.
Fig. 2142. Lit qui date de la période médiane du Louis XV ; celle où déjà la coquille abonde dans l'ornementation, mais pas au point de la déborder et de l'étouffer.
Fig. 2143. Paravent à trois feuilles, très agréable d'aspect. Le haut des feuilles est garni d'une glace biseautée, le bas est tendu d'étoffe, même époque du style.
Fig. 2144. Vitrine.
Fig. 2145. Armoire à glace. Il y a, dans les parties supérieures, une tentative de modern' style. Nous étudierons ce style plus en détail quand nous nous occuperons du mot moderne. Constatons toutefois en passant que la plus grande innovation de ce nouveau style a été l'introduction dans les styles classiques, surtout dans le Louis XV et dans l'ogival, de réminiscences des arts chinois et japonais. Cette production hybride, très acceptable pour la décoration ou l'ameublement de fantaisie, subsistera-t-elle ? C'est ce que nous examinerons avec le mot moderne.
Nous venons donc de parcourir, avec de nombreux exemples à l'appui qui permettent de s'en faire une idée bien précise, les phases diverses du style Louis XV. Nous l'avons trouvé manifestement dérivant du style Louis XIV, avec quelque légèreté de plus ; puis arrivant, de fantaisie en fantaisie, jusqu'à l'excès même dans la fantaisie, qui caractérise sa dernière période.
Il nous reste à voir, avec le style suivant, quelles ont été les conséquences de ce débordement effréné d'ornementations capricieuses.
Mise à jour 2019-01-04